En quoi le sujet est-il d’actualité ?
L’actualité est double : la jurisprudence en matière de réserve est très riche, la cour de cassation rend régulièrement de nouveaux arrêts sur cette question. Le contentieux porte notamment sur la réduction, qui constitue la sanction de la réserve héréditaire. L’un des derniers arrêts (Cass. 1re civ., 17 oct. 2019) précise la façon dont on calcule la masse qui détermine la réserve.
L’autre actualité est encore plus récente : il s’agit de la publication le 13 décembre 2019 d’un rapport sur la réserve héréditaire. Ce rapport, commandé par le Ministère de la Justice et auquel j’ai eu le plaisir de participer au sein d’un groupe de travail, a vocation à faire bouger les lignes. Il fait suite aux interrogations émises sur le sujet par Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse. Pour la première fois en France, un homme politique a proposé de remettre en cause les règles de la réserve, leur reprochant de freiner la philanthropie en France. Pour préparer ce rapport et émettre des préconisations, nous avons pu rencontrer des juristes, mais aussi des philosophes, des sociologues, et nous réinterroger sur les fondements de ce grand principe successoral. La réserve est une manifestation de la solidarité familiale, elle garantit un minimum d’égalité entre les enfants d’une même personne, et elle assure la liberté des héritiers, sans porter totalement atteinte à celle du disposant.
Enfin, la succession de Johnny Hallyday a passionné les Français, et attiré leur attention sur la réserve, qui n’existe pas dans tous les pays sous la même forme.
Quelles sont les grandes évolutions auxquelles vous avez assisté ces dernières années sur le sujet ?
La succession de Johnny Hallyday n’a donné lieu à aucune jurisprudence, mais avant sa disparition, plusieurs cas litigieux en droit international privé ont défrayé la chronique. En 2017, deux arrêts, l’arrêt Jarre et l’arrêt Colombier, ont précisé que la réserve héréditaire ne relevait pas de la conception française de l’ordre public international.
Cela dit, même si la réserve ne s’applique pas de la même manière dans les Etats qui s’appuient sur la common law, elle existe d’une autre façon. Dans ces pays, lorsqu’un héritier estime qu’il a été injustement écarté de la succession, il peut faire valoir un droit aux « family provision », mais par voie judiciaire.
La principale évolution, toutefois, n’est pas celle que nous avons observée en droit international privé, mais celle entraînée par la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le premier janvier 2007. Depuis cette loi, les ascendants n’ont plus droit à la réserve héréditaire. En l’absence d’enfants, c’est le conjoint qui est réservataire. Surtout, ce texte a changé la façon dont la réduction est mise en œuvre : jusque là, elle pouvait se faire en nature, ou en valeur. A présent, elle n’est plus en principe qu’en valeur.
En quoi cela change-t-il la pratique des notaires ?
C’est précisément cette mise en œuvre de la réduction en valeur qui bouleverse tout. A présent, si l’un des enfants est désigné légataire universel, il devient propriétaire de tous les biens de la succession, et il n’a aucune obligation d’en céder un seul à ses frères et sœurs. En revanche, il est alors redevable envers eux d’une compensation financière. Pour les notaires, cela conduit à faire évoluer leur pratique, car dans ces situations, la liquidation successorale civile est devenue infiniment plus complexe.
A cette occasion, plus de dix ateliers, avec notamment les Professeurs Michel GRIMALDI, Marc NICOD, Philippe DELMAS SAINT HILAIRE, Raymond LE GUIDEC, Frédéric DOUET, Jean GASTE, Hervé LECUYER, Nathalie LEVILLAIN, Jean-Luc HENRI, etc, seront organisés pour actualiser nos connaissances dans tous les domaines, tant au niveau français qu’au niveau international, du droit de la famille. Cette Université est ouverte à tous les notaires et collaborateurs du notariat.