Laetitia Antonini-Cochin, Maître de conférences habilitée à diriger des recherches en droit privé à l’Université de Nice Sophia Antipolis, Marie-Cecile Lasserre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nice, membre du CERDP, et Mapitre Emmanuel Voisin-Moncho, avocat associé au Barreau de Grasse, intervenant du D.U. Gestion du patrimoine des majeurs protégés de l’université de Nice, animeront cet atelier lors de l’Université du droit de la famille qui se tiendra à Cannes les 16 et 17 mars. Ils ont accepté de répondre à quelques questions.

En quoi le sujet est-il d’actualité ?

Le nombre de personnes en situation de vulnérabilité ne cesse d’augmenter. Plus de 730 000 personnes (chiffres de 2017) souffrent d’altérations de leurs facultés personnelles nécessitant la mise en œuvre d’un régime de protection. Le sujet est également d’une grande actualité juridique.

En 2018, Mme Anne Caron Déglise a piloté un rapport de mission interministérielle sur la question. Il posait le constat d’une grande diversité des personnes juridiquement protégées, mais accompagnées par des mesures insuffisamment individualisées. Afin de remédier à ces lacunes, le droit des majeurs protégés a fait l’objet de nombreuses modifications par la loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.

Dans le prolongement de la loi PRJ a été publié, le 24 juillet 2019, le décret portant diverses dispositions de coordination, notamment en matière de protection juridique des majeurs. Ces textes comportent une mesure relative à la reconnaissance transfrontalière des décisions de protection juridique des majeurs. Et symboliquement, le terme incapable est définitivement remplacé par les mots « majeurs protégés ». Substantiellement, la réforme de 2019 a pour objet de « simplifier pour mieux protéger ».

Quelles évolutions majeures a-t-on pu observer au cours des dernières années ?

Au cours de ces dernières années, la loi du 5 mars 2007 portant sur la réforme de la protection juridique des majeurs a constitué une avancée majeure en la matière. En premier lieu, elle a fait disparaître les causes de prodigalité, d’oisiveté et d’intempérance et a mis l’accent sur la notion d’altération des facultés afin de justifier l’ouverture d’une mesure de protection. Ensuite, cette loi a institué une nouvelle mesure de protection, le mandat de protection future. Par la suite, une nouvelle étape a été franchie avec l’ordonnance du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, qui a créé l’habilitation familiale.

La loi de 2019 marque une ultime étape : la personne protégée y est placée au cœur du dispositif de protection. Désormais, le droit des majeurs protégés est marqué par la diversification des mesures de protection. Les personnes vulnérables ont toutes des besoins différents, il est aujourd’hui possible d’y répondre de façon plus individualisée et plus mesurée.

Cette évolution essentielle se double d’un autre grand changement, celui de la déjudiciarisation de la matière. L’office du juge des tutelles – et au 1er janvier 2020 du juge des contentieux de la protection- a été redéfini. Son intervention diminue pour renforcer l’autonomie de la personne ou de son protecteur.

En quoi ces bouleversements changent-ils la pratique professionnelle des notaires ?

Progressivement, les notaires se voient attribuer des prérogatives supplémentaires. A titre d’exemple, les notaires doivent cerner les subtilités du mandat de protection future que le législateur a voulu privilégier.

Avec la déjudiciarisation du droit des majeurs protégés, le rôle des notaires est de plus en plus important. Ainsi, ils ont désormais un droit d’alerte en cas de changement de régime matrimonial en présence d’enfant mineur. La réforme sur les capacités doit donc être connue des praticiens. Ainsi, en présence de personnes vulnérables,  ils pourront apporter un conseil juridique personnalisé et adapté.

La première grande Université du droit de la Famille se tiendra à CANNES au MAJESTIC les 16 et 17 mars 2020, après création du réseau NOTAIRES AU COEUR DES FAMILLES le 10 septembre 2018.

A cette occasion, plus de dix ateliers, avec notamment les Professeurs Michel GRIMALDI, Marc NICOD, Philippe DELMAS SAINT HILAIRE, Raymond LE GUIDEC, Frédéric DOUET, Jean GASTE, Hervé LECUYER, Nathalie LEVILLAIN, Jean-Luc HENRI, etc, seront organisés pour actualiser nos connaissances dans tous les domaines, tant au niveau français qu’au niveau international, du droit de la famille. Cette Université est ouverte à tous les notaires et collaborateurs du notariat.