Il n’y a pas que la communauté et la séparation de biens ! Le régime matrimonial idéal dépend de l’âge et de la situation de chacun. Et de même que les besoins peuvent évoluer dans le temps, le régime matrimonial peut changer au fil de l’eau.

Alors que la pleine saison des mariages approche à grands pas, de jeunes fiancés se posent nécessairement la question : faut-il faire un contrat de mariage ? Au moment de se décider, il faut réfléchir à trois éléments essentiels : la protection du conjoint, l’activité professionnelle, et la présence, ou non, d’enfants d’une première union.

En l’absence de contrat, c’est le code civil qui prévoit l’organisation des biens et de la famille. Le régime légal, ou régime par défaut, est celui de la communauté réduite aux acquêts. Avec ce régime, on distingue les biens communs de ceux qui restent propres à chacun des époux. Sont propres tous les biens acquis avant le mariage, et tous ceux obtenus pendant le mariage par donation ou par succession. Sont communs tous les biens acquis pendant le mariage. Ainsi, si le couple fait l’acquisition d’une maison pendant le mariage, et qu’il la rembourse avec ses revenus professionnels, peu importe que l’un ait tout financé et l’autre rien : la maison appartient aux deux. Voilà pourquoi ce régime est à privilégier dans les situations où l’un travaille, et l’autre non. Il permet de corriger les déséquilibres de revenus.

Le point noir de la communauté réduite aux acquêts : les dettes professionnelles

Mais la communauté réduite aux acquêts présente plusieurs inconvénients. Le premier, c’est qu’elle est parfois difficile à saisir dans ses subtilités pour les époux. Ainsi, les revenus des biens propres sont communs. Si un des époux a un studio qu’il met en location, les loyers tombent dans la communauté. De même, s’il y effectue des travaux qu’il finance avec ses revenus, c’est en réalité la communauté qui finance ces travaux. Mais bien souvent, les époux l’ignorent ! La communauté réduite aux acquêts présente un autre gros point noir. Avec elle, les emprunts professionnels sont communs. Cela signifie que si l’un a des dettes importantes à rembourser, et qu’il ne parvient pas à faire face à ses échéances, ses créanciers peuvent se servir sur ses biens propres, mais aussi sur les biens communs du couple. Seuls les biens propres de l’autre époux sont considérés comme insaisissables.

Voilà pourquoi la plupart des jeunes couples aujourd’hui considèrent avec attention la possibilité d’un régime en séparation de biens. Si les deux époux restent redevables des emprunts contractés pour l’entretien du ménage, ils ne sont pas liés par les dettes professionnelles du conjoint. Les créanciers de l’un ne peuvent se servir que sur les biens de celui qui a emprunté. Avec ce régime, rien n’est commun : même une maison acquise à deux est un bien indivis, c’est-à-dire que sauf mention contraire, chacun est considéré comme propriétaire de la moitié. La situation est claire, mais elle n’est pas toujours à recommander, notamment quand les revenus des époux sont très inégaux. Le premier époux, aux faibles revenus, conserve de modestes économies, tandis que le second, qui gagne plus d’argent, voit son patrimoine grossir de façon plus importante. Cela n’est pas nécessairement un problème tant que tout va bien. Mais en cas de divorce, les patrimoines resteront déséquilibrés. En cas de décès de celui qui a le patrimoine le plus important, la base taxable transmise aux enfants sera plus importante que si le couple avait été marié en communauté.

La séparation de biens est souvent préférable pour les familles recomposées

Pourtant, même si le choix du régime matrimonial doit se faire au cas par cas, il est souvent recommandé de rester en régime de séparations de biens lorsqu’il y a des enfants d’un premier lit. Ainsi, la séparation des patrimoines est plus claire et il est plus simple de gratifier les enfants, surtout ceux issus d’une première union. Dans ces situations, il faut vraiment consulter un notaire spécialiste en droit de la famille pour ne pas créer de déchirements au moment de la succession. Il arrive fréquemment que des personnes remariées, pour protéger leur conjoint, signent une donation au dernier vivant et lèsent, sans le vouloir, les enfants de leur premier mariage. Un déséquilibre dont ils n’ont pas conscience.

On peut aménager son régime matrimonial

Le régime matrimonial peut aussi permettre de protéger son conjoint de façon plus efficace que la donation au dernier vivant. En effet, si cette dernière permet au survivant de conserver l’usufruit de tous les biens de la personne défunte, elle ne lui donne aucune autonomie pour la disposition des biens. Ainsi par exemple, si le conjoint survivant ne peut pas rester dans la résidence principale, et doit la revendre, il devra toujours avoir l’autorisation des nus-propriétaires (les enfants la plupart du temps). Pour ne pas se retrouver dans cette situation, il est possible d’aménager le régime matrimonial, particulièrement pour ceux qui sont mariés en communauté, en insérant une clause de préciput. Et ce, même bien après la date du mariage. Cette clause de préciput permet à l’époux survivant de prélever un bien commun sur le patrimoine du défunt, sans que celui-ci fasse partie de la succession. Une opération idéale pour la résidence principale : ainsi le survivant en conserve la pleine propriété. Pour une maison de 200000 euros, l’acte coûte 4200 euros. Toutefois, il est aussi à manier avec précaution dans une famille recomposée, car là encore, si les enfants du premier mariage sont floués, ils pourront intenter une action en retranchement pour contester la répartition des biens.

Et pourquoi pas changer de régime matrimonial ?

Enfin, le code civil permet aussi aux époux de changer de régime matrimonial. Auparavant, il fallait attendre deux ans après la date du mariage. En présence d’enfants mineurs, il fallait faire intervenir le juge pour qu’il s’assure que la modification ne portait pas atteinte aux intérêts de la famille. La réforme de la justice votée le 23 mars 2019 et entrée en vigueur le 25 mars, allège toute la procédure. Il est possible de changer de régime dès le lendemain du mariage, et l’intervention du juge n’est plus nécessaire. Néanmoins, il faut toujours prévenir les enfants majeurs par lettre recommandée, et publier une annonce légale, pour que les éventuels créanciers puissent réagir et s’y opposer.

La plupart des époux qui changent de régime matrimonial le font dans deux situations. Souvent, de jeunes mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts n’avaient pas pensé que l’un des deux pouvait, plus tard dans sa carrière, opter pour une activité indépendante. Lorsque ce changement professionnel intervient, ils basculent sous le régime de la séparation de biens pour placer le maximum de biens hors de portée des créanciers. Une contrainte importante les fait parfois reculer : le coût de l’opération, car il faut liquider leur communauté ! Il faut prévoir un droit de partage de 2,5% sur l’actif de la communauté, et les émoluments du notaire. Ainsi, pour un couple dont le patrimoine s’élève à 400 000 euros, mais endetté à hauteur de 100 000 €, il en coûtera 15 600 €.

Autre situation fréquemment rencontrée chez les notaires : des époux mariés depuis plusieurs décennies en séparation de biens, qui éprouvent le besoin de réunir leurs biens dans une communauté. Ils optent alors pour le régime de la communauté universelle, qui inclut les biens acquis pendant le mariage mais aussi ceux obtenus par donation ou succession. Cela permet de rééquilibrer les patrimoines de l’un et de l’autre, et d’anticiper une succession dans de meilleures conditions.

Sylvie et Jean-Pierre sont mariés depuis 45 ans sous le régime de la séparation de biens. Jean-Pierre est propriétaire de leur résidence principale évaluée à 200 000 euros, et d’une entreprise évaluée à 800 000 euros. Ses enfants ne souhaitant pas y travailler, il veut la leur transmettre pour qu’ils puissent la revendre. Sylvie détient 100 000 euros de liquidités. Leurs patrimoines sont donc très déséquilibrés. Accompagnés par leur notaire, ils décident, après avoir mûrement réfléchi à la situation, de passer sous le régime matrimonial de la communauté universelle. Ils inséreront, en outre, une clause de préciput sur la résidence principale : ainsi, celui des deux qui survivra à l’autre sera plein propriétaire de la maison, et n’aura pas besoin de demander l’autorisation de ses enfants pour en disposer. Après le changement de régime, le déséquilibre de patrimoines n’existe plus : la communauté détient l’intégralité des biens propres des deux époux, soit 1,1 million d’euros. Chacun des deux peut donc revendiquer la moitié de cette communauté, soit 550 000 euros. Ainsi, ce n’est plus Jean-Pierre qui cède l’entreprise à ses enfants, mais ce sont Jean-Pierre et Sylvie qui effectuent la donation. A la clé, de sérieuses économies, car les montants pris en compte par l’administration fiscale pour calculer les droits de mutation sont divisés par deux. Alors que le coût de la transmission est réduit de plusieurs dizaines de milliers d’euros, le changement de régime matrimonial de Jean-Pierre et Sylvie, lui, n’a coûté que 7200 euros. A partir du premier janvier 2020, ce genre d’opération reviendra un peu plus cher, puisqu’il faudra compter une taxe de 0,75% sur la valeur des biens immobiliers transmis à la communauté.