L’entrepreneuriat fait vibrer les Français : pour les douze derniers mois, l’Insee a recensé 411 800 créations d’entreprises. Si l’on ajoute à cela tous ceux qui s’installent comme micro-entrepreneurs, le chiffre atteint les 780 800 créations. Mais si la création d’entreprise peut avoir des côtés grisants et enthousiasmants, elle a des retentissements sur le patrimoine du créateur et de la famille, et il vaut mieux les avoir en tête avant de créer sa société afin d’anticiper au maximum. Car une entreprise, cela peut décoller en flèche, mais cela peut aussi connaître quelques déboires.

Protéger le patrimoine du conjoint

La première des choses à laquelle il faut penser, c’est de protéger le patrimoine du conjoint des éventuelles difficultés que pourrait connaître la société.
Le réflexe, dans ce cas, consiste à s’assurer que l’on a bien opté pour le régime matrimonial de la séparation de biens. Si le créateur doit honorer des dettes professionnelles, ses créanciers ne pourront pas chercher à saisir les biens de son conjoint.

Bonne nouvelle : depuis la loi portant réforme de la justice du 25 mars 2019, il n’est plus nécessaire d’attendre d’être marié depuis deux ans pour changer de régime matrimonial. Mais il vaut mieux, dans la mesure du possible, effectuer ce changement le plus tôt possible, car le passage d’un régime de communauté à un régime de séparation de biens implique de liquider la communauté, ce qui suppose de payer un droit de partage conséquent sur le patrimoine commun. Le régime de séparation de biens présente un autre avantage pour les entrepreneurs : en cas de divorce, la société n’entre pas dans la masse des biens communs. Le conjoint ne peut donc pas revendiquer la moitié de sa valeur.
Même chose en cas, plus dramatique, de décès du conjoint : lorsque le couple était marié sous le régime de la communauté, il faut liquider cette communauté. Cela signifie, concrètement, que le défunt possède la moitié de la valeur de l’entreprise, et que le créateur devra donc indemniser les héritiers du défunt à hauteur de ce montant. S’il ne dispose pas des fonds nécessaires, il devra alors emprunter, ou faire entrer un nouvel actionnaire au capital. Une situation qui peut être très préjudiciable à l’avenir de l’entreprise.

Mettre les biens immobiliers à l’abri des créanciers professionnels

Une fois protégés les biens du conjoint, il faut aussi songer à mettre à l’abri ses propres biens, notamment immobiliers. Attention, lancer son activité ne signifie pas toujours créer une personne morale : seules les SAS et de SARL permettent une vraie distinction entre le créateur et l’entreprise. Dans beaucoup de situations, l’entrepreneur et sa structure professionnelle ne font qu’une seule et même personne. Leurs patrimoines se confondent alors, il est donc extrêmement important de faire en sorte que les biens immobiliers ne puissent être saisis par les créanciers professionnels. C’est notamment le cas lorsque le créateur opte pour le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ou pour les micro-entrepreneurs, ainsi que les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les agents commerciaux et les professions libérales. Pour éviter que les biens immobiliers soient exposés, il suffit de se rendre chez son notaire, et de lui demander de rédiger une déclaration d’insaisissabilité. Le ou les biens immobiliers concernés deviennent alors insaisissables par les créanciers professionnels. Attention, cette déclaration ne vous protège que pour les dettes professionnelles postérieures à la signature de l’acte. Cette démarche est donc à effectuer au plus tôt, dès la création de l’activité. Elle a une contrepartie : lorsque les banques ont connaissance de la déclaration d’insaisissabilité, elles refusent souvent de prêter de l’argent au chef d’entreprise, car elles n’ont alors plus de bien tangible en garantie.

Eviter des droits de succession trop lourds en cas de décès du créateur

Lorsque le conjoint travaille dans la société, il faut veiller à clarifier son statut. Est-il associé, salarié, conjoint collaborateur ? Selon les situations, le revenu et la couverture sociale diffèrent. Surtout, la définition du statut, quel qu’il soit, est soumise à un formalisme particulier. Il ne faut surtout pas le négliger. A défaut, le risque pour le conjoint est de se retrouver avec une couverture sociale au rabais, et sans droits à la retraite.

Lorsque la société a prospéré, il arrive parfois que la famille soit dépassée par les événements. Souvent, le créateur se trouve riche de la valeur de sa société, mais ne détient aucun patrimoine liquide par ailleurs. Cela n’est pas nécessairement un  problème… sauf s’il décède. La famille doit alors s’acquitter de droits de succession importants, sans avoir les moyens matériels de les payer.

La parade à ce genre de situations consiste à anticiper la transmission de l’entreprise. En donnant une partie de ses titres, même infime, à ses héritiers, on facilite la mise en place d’un engagement de conservation, dit « Pacte Dutreil » : les droits de succession ou donation seront alors très significativement réduits. Cela est possible lorsque l’entreprise a été détenue par le créateur pendant deux ans, et si les héritiers s’engagent à conserver leurs titres pendant quatre années supplémentaires. Il faudra aussi qu’un des héritiers occupe une fonction de direction dans l’entreprise pendant trois ans à compter de la transmission. Le montant des impôts sera alors considérablement réduit car il ne sera calculé que sur un quart de la valeur des biens transmis et non sur leur totalité !

Penser aussi à protéger l’entreprise

Dans ces situations douloureuses, les intérêts des associés qui survivent et ceux de la famille du créateur décédé peuvent être sensiblement différents. Voilà pourquoi on recommande souvent, dès la création de l’entreprise, d’inscrire dans les statuts une clause d’agrément. Celle-ci oblige un associé qui souhaite céder ses parts à consulter les autres associés sur le choix du ou des nouveaux actionnaires. Cela évite aux associés restants de faire entrer au capital une personne qui ne partage pas les mêmes vues qu’eux sur la stratégie et l’avenir de l’entreprise. Enfin, il peut être opportun d’insérer dans les statuts une clause prévoyant une gérance successive. Cela permet de désigner la personne qui remplacera le gérant s’il décède ou se retrouve dans l’incapacité de diriger la société. Les entrepreneurs doivent penser à protéger leur famille, mais ils doivent aussi savoir protéger leur entreprise.