La crise sanitaire que nous venons de traverser a fait de nombreuses victimes, et pas toujours parmi les plus fragiles. Elle a agi comme un rappel à l’ordre : beaucoup ont pris conscience qu’ils n’étaient pas invincibles. Ceux qui ont décidé de faire un bilan patrimonial ont peut-être été incités, par leur notaire, à anticiper leur succession.

La multiplication des familles recomposées, du nombre de personnes expatriées au moment de leur décès rendent les successions de plus en plus complexes et potentiellement très conflictuelles. Prévoir à l’avance, au moyen de donations, la façon dont on envisage la répartition de ses biens aide les héritiers à vivre la succession dans un climat apaisé. Cela présente aussi un avantage fiscal non négligeable. Et pour anticiper, l’outil privilégié est la donation-partage.

Le gros avantage de la donation-partage : prévenir les conflits

La donation-partage s’effectue au profit de tous les héritiers au même moment. L’idée est de les gratifier tous à la même hauteur. Mais pas nécessairement de la même façon : l’un peut recevoir un bien immobilier, l’autre une somme d’argent équivalente, le troisième, les parts d’une entreprise. Le gros avantage de la donation-partage est d’éviter les conflits de valorisation, car elle fige le montant des biens au jour de la donation.

Eviter les pièges de l’indivision

La donation-partage peut aussi aider celui qui donne à choisir la répartition de ses biens, et ainsi éviter les pièges de l’indivision. Par exemple, le propriétaire de deux biens immobiliers peut décider d’en donner un à son fils et l’autre à sa fille. Chacun recevra ainsi un bien distinct de celui de l’autre. S’il n’anticipe pas, au moment de son décès (en l’absence de conjoint survivant), les deux enfants se retrouveront propriétaires indivis des deux biens, ce qui peut compliquer la gestion, surtout si l’un souhaite vendre et que l’autre désire conserver les biens.

Anticiper sa succession au moyen d’une donation-partage permet aussi de réduire le coût fiscal de la transmission. Actuellement, il est possible de donner à chacun de ses héritiers en ligne directe jusqu’à 100 000 euros tous les quinze ans, sans acquitter aucun droit de donation ou de succession. En commençant à donner tôt, on multiplie les chances de pouvoir le faire une deuxième fois, et parfois même d’avoir vu s’écouler quinze ans entre la deuxième donation et le décès. Dans ce cas, les héritiers bénéficient de nouveau de l’abattement des 100 000 euros, sur la succession cette fois-ci.

Des coûts de transmission réduits

L’intérêt d’anticiper peut être encore plus important avec une donation de nue-propriété, surtout si le donateur est jeune au moment de l’acte. En transmettant à ses enfants la nue-propriété d’un bien immobilier, un propriétaire en conserve l’usufruit, c’est-à-dire l’usage : soit il occupe le bien, soit il le met en location et en encaisse les loyers, à sa guise. Les enfants ne deviendront pleins propriétaires qu’à sa disparition. Comme ils ne profitent pas du bien dans l’intervalle, la nue-propriété a une valeur nettement moins importante aux yeux du fisc. Le montant transmis est donc plus faible, et ce d’autant plus que l’usufruitier (qui est souvent le donateur) est jeune. La valeur de la nue-propriété augmente avec l’âge de l’usufruitier. S’il a moins de 51 ans au moment de la donation, elle vaut 40% du montant du bien. S’il a entre 51 et 60 ans, elle vaut 50%. Après ses 61 ans, elle vaut 60%, après ses 71 ans, elle vaut 70%. Ainsi, plus le donateur transmet tôt, plus le montant pris en compte pour le calcul de l’impôt sur la mutation est faible. Par exemple, si le donateur a 60 ans, et qu’il souhaite transmettre un bien dont la valeur est estimée à 400 000 euros, la nue-propriété ne vaut que 200 000 euros, soit 50%. S’il la donne à ses deux enfants, cela revient à leur céder à chacun 100 000 euros. La transmission ne dépasse pas l’abattement de 100 000 euros donné par un parent à un enfant, elle s’effectue donc en totale franchise d’impôt.

L’opération a également une importance de taille au regard de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Si le démembrement provient d’un acte d’anticipation, comme la donation ou la donation au dernier vivant (qui permet par exemple de céder l’usufruit au conjoint survivant et la nue-propriété aux enfants), c’est l’usufruitier qui déclare le bien comme faisant partie de son patrimoine. Dans le cas contraire, si aucune disposition antérieure n’a été prise par le défunt et que le conjoint survivant demande à percevoir 100% de l’usufruit de son patrimoine, les enfants se retrouvent également nu-propriétaires. Mais ils doivent ajouter la valeur de la nue-propriété à leur patrimoine immobilier, ce qui augmente leurs chances d’être redevables de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ils se retrouvent alors imposables sur un bien qui ne leur procure aucun revenu.

De grandes précautions à prendre et un besoin de conseils

Attention toutefois, car le démembrement d’un bien, c’est-à-dire le fait de séparer l’usufruit et la nue-propriété, empêche l’usufruitier de le revendre sans l’accord des nus propriétaires. Voilà pourquoi il est recommandé de ne pas donner à des mineurs, car il faut faire intervenir le juge des tutelles pour que la vente soit validée. Les notaires préconisent également de ne pas donner un bien que l’on n’est pas sûr de garder dans son patrimoine.

Le donateur est protégé, avec un droit de retour notamment, c’est-à-dire la possibilité de récupérer le bien si celui qui l’a reçu décède avant lui sans laisser d’héritiers.

Il y a beaucoup d’avantages à anticiper sa succession. Pourtant, les donations, donations-partage et donations en démembrement ont des incidences que les particuliers n’anticipent pas toujours, et il est fondamental de s’entourer des conseils d’un notaire.