La loi « visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » réalise un apport majeur en droit des régimes matrimoniaux.

Entrée en vigueur le 2 juin 2024, cette loi modifie les termes de l’article 265 du Code Civil et apporte plus de sécurité aux futurs époux dans la perspective d’un divorce.

Elle consacre une innovation en ce que les futurs époux pourront désormais préciser dans leur contrat de mariage que les clauses constitutives d’un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution ne seront pas révoquées en cas de divorce.

Ainsi, la loi voulue par les époux à l’époque du mariage ne risque plus d’être bouleversée par un divorce.

I. Qu’est-ce qu’un avantage matrimonial ?

Le profit, l’enrichissement qu’un époux peut retirer de son régime matrimonial.

Sous l’ancienne loi tout comme sous la nouvelle et cela semble une évidence, le « cadeau » (comprendre le profit, l’enrichissement) fait à son époux en cas de décès ne tient plus en cas de divorce.

La nouveauté consiste dorénavant dans la faculté pour les époux de prévoir dans le contrat de mariage leur maintien même en cas de divorce !

Ainsi, un époux « généreux » à l’époque de l’union peut faire le choix de le rester même à l’époque de la séparation.

A titre d’exemple d’avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du mariage, on peut citer la clause d’exclusion des biens professionnels dans un régime de participation aux acquêts, qualifiée comme tel par la Cour de Cassation en 2019 puis 2021 (cf Pour aller plus loin).

II. De quoi s’agit-il ?

Dans le régime matrimonial de participation aux acquêts, à sa dissolution, celui des deux époux qui s’est le plus enrichi au cours du mariage doit reverser à l’autre la moitié de son enrichissement.

Dans le contrat de mariage, les époux peuvent écrire qu’il ne sera pas tenu compte du patrimoine professionnel pour mesurer cet enrichissement. Il s’agit d’un avantage matrimonial.

Pour aller plus loin

En effet, fin 2019, la Cour de Cassation, affirmait pour la première fois qu’ « une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès…/… constitue un avantage matrimonial en cas de divorce. »

Cette qualification d’avantage matrimonial aboutissait inéluctablement à l’inefficacité de la clause en cas de divorce, quand il s’agissait pourtant de la volonté des futurs époux à l’époque même du mariage.

D’autant que c’est précisément en cas de divorce que cette clause trouvait tout son sens et développait toute son efficacité, protégeant ainsi l’époux qui s’est enrichi professionnellement.

Pourtant la Cour de Cassation a réitéré sa position en Mars 2021 :

« La clause d’exclusion des biens professionnels de la créance de participation constitue un avantage matrimonial ; qu’elle est révoquée de plein droit au moment du divorce, sauf volonté contraire de celui qui l’a consenti exprimée au moment du divorce ; que pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels devait recevoir application, la cour d’appel a estimé que telle était la volonté des parties, ressortant de leur contrat de mariage ; qu’en se déterminant au regard de volonté exprimée lors de la conclusion du contrat de mariage, et non de la volonté des époux au moment de leur divorce, et notamment celle de Mme X… de renoncer à la révocation de l’avantage profitant à M. L…, la cour d’appel a violé l’article 265 du code civil ». Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 mars 2021, 19-25.903

Ainsi, la volonté des époux dixit les hauts magistrats ne devait pas s’apprécier à la date de l’établissement du contrat de mariage mais à l’époque du divorce.

Dorénavant et en faveur de davantage de prévisibilité, les époux peuvent décider dès la conclusion de leur contrat de mariage que ces avantages matrimoniaux ne seront pas révoqués en cas de divorce.

Article 265 alinéa 2 dans sa nouvelle rédaction :

« Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. Cette volonté est exprimée dans la convention matrimoniale ou constatée dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats ou par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la disposition maintenus. »

On peut se féliciter de cette réécriture, marquant un retour au principe de liberté des conventions matrimoniales : les époux seront ainsi en mesure d’anticiper et d’encadrer de manière pérenne les conséquences patrimoniales de leur rupture. Pas de changement des règles du jeu en cours de partie !

III. En théorie, cette nouveauté est facteur de sécurité mais en pratique, cette volonté s’exprimera-t-elle fréquemment ?

Les praticiens que nous sommes, très conscients de leur devoir de conseil et de leur responsabilité, devront inciter les époux et futurs époux à la plus grande vigilance :

En effet, si ceux-ci s’accordent pour faire de tel ou tel avantage matrimonial un bénéfice acquis, immuable malgré le divorce, qu’importe les aléas de la vie et le sens pris par la roue de la fortune, nulle possibilité de revenir en arrière…(sauf à reconsidérer leur sort en cours de vie maritale ou à son issue – cf encadré) .

Pour aller plus loin

1°) En cours de vie maritale, en changeant/aménageant son régime matrimonial … ce qui pourrait amener un époux (souvent l’impécunieux) à se montrer soupçonneux au sujet des intentions de son autre époux et sur la pérennité de son mariage…

2°) à son issue car, pour conclure, il demeure une nuance à laquelle la loi nouvelle n’a rien changé : la volonté contraire exprimée par les époux à l’époque du divorce au sein même de la convention de divorce.

Force est de constater que la circonstance se présente relativement rarement car il s’agit bien de volontés concordantes par définition or, en matière d’exclusion des biens professionnels pour reprendre l’exemple précité, les discussions seront âpres pour que l’époux qui a vu ses actifs nets professionnels croitre de manière importante ( ou plus importante que son autre époux) obtienne le maintien de leur exclusion du calcul de la créance de participation… quand par application de la loi, l’avantage matrimonial est révoqué et les acquêts professionnels doivent figurer dans son enrichissement… sauf à avoir prévu leur exclusion de manière irrévocable dès le contrat de mariage comme l’autorise dorénavant l’article 265 du Code Civil.

En conclusion, à une époque où pratiquement un mariage sur deux se solde par un divorce, on ne le dira jamais assez, un contrat de mariage bien rédigé est facteur de sécurité.

Article écrit par : Maître Claire CHERDRONNET