La succession est toujours un moment douloureux à envisager. C’est la raison pour laquelle, au moment de penser à cette étape, il faut penser au conjoint survivant. Il va se retrouver seul et il faut se préoccuper de la façon dont il va subvenir à ses besoins.

Quels sont les droits du conjoint si rien n’a été prévu ?

Sur le plan strictement fiscal, le mari ou la femme bénéficie depuis le 22 août 2007 d’un avantage important : il ne doit aucun droit de succession lorsqu’il reçoit des biens de son conjoint.

Sur le plan civil, le conjoint survivant a des droits dans tous les cas. La loi du 3 décembre 2001 prévoit :

-un droit d’occupation viager du logement si le défunt en était propriétaire, un droit d’occupation d’un an si le défunt en était locataire, s’il le détenait en indivision avec une tierce personne, ou s’il en était usufruitier.

-l’usufruit de la totalité des biens, ou la pleine propriété d’un quart des biens. Dans le cas où les enfants du défunt ne sont pas tous les enfants du survivant, seule la seconde option, celle d’un quart des biens en pleine propriété, est possible.

Il est possible d’augmenter les droits du conjoint survivant

Mais lorsque l’on considère que cela ne suffit pas, il est tout à fait possible d’augmenter les droits du conjoint sur le patrimoine du défunt. Il faut toutefois respecter une règle importante : celle de la réserve héréditaire, cette part de la succession qui revient automatiquement à certains héritiers. Pour un enfant, la réserve est de 50% de la succession, elle est des deux tiers lorsqu’il y a deux enfants, et elle est des trois quarts de la succession pour trois enfants et plus.

Lorsqu’il n’y a pas d’enfant, l’époux est réservataire : il reçoit automatiquement un quart de la succession. Depuis 2006, les parents du défunt ne sont plus héritiers réservataires.

Une fois la réserve déterminée, la masse restante de la succession s’appelle la quotité disponible. C’est cette masse qui peut être cédée au conjoint survivant.

Une fois les montants en jeu définis, il faut se poser une autre question : faut-il attribuer au conjoint des biens qui doivent lui procurer des revenus et un cadre de vie, sans lui laisser la main sur la gestion de ces biens, ou faut-il lui céder des biens en totalité, en lui permettant d’en disposer librement ?

Aider le conjoint à maintenir son cadre de vie et à se procurer des revenus

Pour garder le contrôle sur certains biens, la solution utilisée très fréquemment est la donation au dernier vivant ou donation entre époux. Etablie chez le notaire, et signée par les deux époux, elle est révocable à tout moment. Elle donne un très grand choix au conjoint survivant. Au moment de la succession, il aura le choix entre l’usufruit de la totalité des biens, la pleine propriété de la quotité disponible (la part hors réserve), ou une solution hybride très avantageuse pour lui : un quart des biens en pleine propriété et les trois quarts restants en usufruit. A supposer que ces trois quarts soient constitués d’immobilier par exemple, il pourra percevoir les loyers de ces biens mais ne pourra pas les vendre. Les héritiers réservataires ne seront pas floués puisqu’ils conserveront la nue-propriété, et deviendront plein-propriétaires des biens au décès du conjoint.

La donation au dernier vivant permet aussi, depuis 2007, de cantonner les biens qui reviennent à l’époux survivant. Si la quotité disponible est de 50% de la succession par exemple, il peut décider qu’un appartement qui représente 35% du patrimoine du défunt lui suffit pour assurer son train de vie. L’enfant reçoit alors sa réserve de 50%, et 15% supplémentaires. Mais cela suppose vraiment une entente très forte entre le survivant et les enfants.

Une autre solution, pour allouer précisément certains biens au conjoint sans lui donner de véritable choix dans la conduite de la succession, consiste à rédiger un testament. Grâce à ce document, il est possible de définir quels biens reviendront aux enfants et quels sont ceux qui resteront au conjoint. Il faut toujours respecter la limite de la réserve, mais on peut attribuer de l’usufruit sur tout ou partie de la réserve. Votre notaire peut vous aider à la rédiger afin de ne pas commettre d’impair, et de ne pas voir vos décisions remises en cause devant les tribunaux.

Une piste à explorer également, pour être certain qu’un bien reviendra effectivement à son enfant mais que le conjoint survivant pourra en profiter sa vie durant ou bénéficier des loyers : mettre en place une donation avec réserve d’usufruits successifs. Par exemple, une femme peut donner la nue propriété d’une maison à ses enfants. Elle en conserve l’usufruit, mais à son décès, les enfants restent nu-propriétaires : c’est son mari qui devient usufruitier.

Permettre au conjoint de garder totalement la main sur ce qui lui revient

Il existe d’autres façons d’augmenter les droits de son conjoint, mais cette fois-ci, en lui laissant le contrôle total des biens qu’il reçoit.

Une solution fréquemment utilisée est le changement de régime matrimonial. Lorsque les époux ont la certitude qu’ils finiront leurs jours ensemble, ils peuvent opter pour le régime de la communauté universelle, avec clause d’attribution intégrale au survivant. Ainsi, tous les biens propres de chacun des époux rejoignent la communauté. Lorsque le premier époux décèdera, l’autre recevra la totalité de la communauté. Les enfants hériteront au décès du deuxième époux. Mais attention, cette solution est totalement à proscrire dans le cas des familles recomposées : l’époux devient plein propriétaire de toute la communauté, et s’il n’a aucun lien de parenté avec les enfants du défunt, ce ne sont pas eux qui hériteront !

Pour laisser un patrimoine plus conséquent à son époux, une autre parade, bien appréciée des Français, existe : l’assurance vie. Les sommes déposées sur cette dernière sont hors succession. Cela signifie que l’on peut gratifier n’importe quelle personne, y compris le conjoint, d’une somme importante. Cela suppose d’avoir rédigé correctement la clause bénéficiaire, et de ne pas avoir versé de prime manifestement exagérée, car dans ce cas les héritiers réservataires sont fondés à porter l’affaire devant les tribunaux. Là encore, le notaire peut être d’une aide précieuse.

Attention, ces dispositions s’appliquent aux couples mariés. Lorsque les couples sont pacsés, ou vivent en union libre, il n’y a aucune protection ni aucun droit sur la succession si rien n’est précisé dans le testament. Vous pouvez vous reporter à l’article consacré au sujet  pour avoir des précisions sur ces situations : https://notaires-ncf.fr/pacs-testament-le-double-gagnant/